top of page

MATHIEU WERNERT 

(Née en 1974)

« La surface des choses n’est jamais une simple surface » écrivait le philosophe John Dewey. Les œuvres récentes de l’artiste strasbourgeois Mathieu Wernert embrassent pleinement cette maxime comme une sorte d’appel à l’expérimentation. 

 

Poursuivant sa recherche picturale, continuant sa volonté de casser l’évidence des images, le peintre élabore des tableaux abstraits qui ne sont pas uniquement fait de formes, de figures, de tracés, de lignes, de couleurs ou de gestes pleinement identifiables et clairement délimités. Le vocabulaire pictural se compose ici singulièrement à partir d’un ensemble de réactions, d’altérations, de surgissements, d’excavations, de craquements. Jouant à la fois d’un art savant de la superposition et d’un subtil sens du mélange, la toile apparaît comme une sorte de « playground », de terrain d’expression avec les matériaux et les propriétés visuelles et émotionnelles nées de leurs rencontres provoquées et inédites. 

 

Ici, telle acrylique issue d’une cartouche d’imprimante va acquérir des qualités imprévues du fait de sa rencontre avec de l’acétone, donnant un effet de dilution ou de rouille, magnifiant la couleur ou au contraire l’atténuant ; là, c’est l’action d’un dissolvant qui va trouer la toile pour faire ressurgir d’une manière neuve, par une sorte d’échappée, une couche de peinture jusque-là recouverte, comme miraculeusement préservée ; une autre fois encore, ce sera le jeu d’un vernis, d’une colle, d’une coulure qui donnera naissance à l’un des constituants de l’image. 

 

Le visible est ici toujours le résultat, né du dialogue entre l’artiste et le hasard, d’un ensemble de processus invisibles, d’interactions dont ne subsistent plus que les traces. L’image se compose en même temps qu’elle se décompose. Elle se compose par sa décomposition même.

 

Un tableau, c’est certes une surface, mais c’est aussi du temps. L’action conjuguée de temporalités. D’un mélange que l’on tente « juste pour voir ». D’un effet qui surprend le peintre, déjoue son horizon d’anticipation ou ses prétentions à la maîtrise, mais dont il doit attendre qu’il advienne pour savoir qu’il aura été possible. C’est là la manière dont l’artiste continue l’aventure de la peinture, le sens que l’on peut donner au fait de peindre aujourd’hui, par l’exploration de ses potentialités en lien avec le temps présent (l’état des techniques, les images qui nous environnent et qui forment notre culture).  

 

C’est cette méthode artistique qui donne paradoxalement toute leur profondeur aux surfaces peintes par Mathieu Wernert. Les images sont comme des milieux. Des images-milieux, peuplées de détails, formant des ensembles à arpenter par la sensibilité, dans lesquels on peut entrer, plonger, s’abîmer, se perdre. Champs matériels qui sont comme autant de paysages imaginaires, dont on ne sait exactement s’ils sont mécaniques ou vivants, de champs librement offerts à l’imagination. 

 

Mickaël Labbé

Maître de Conférences en Esthétique et Philosophie de l’Art

© Thomas Lang

IMG_4856 2.JPG
bottom of page